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Depuis le mariage de Madeleine, Séraphine, la seule fille qui restât à Mamita, était venue se fixer auprès d’elle et secondait Ferdinand et Thomas dans leur sollicitude filiale de tous les instants.

Chacun des siens avait son couvert mis plusieurs jours par semaine. Tous étaient attentifs à venir souvent ; mais la pauvre Mamita, après le premier accueil, toujours agréable et gracieux, s’endormait de bonne heure ; le plus grand nombre se réservait de venir la voir dans le jour, et les visites commençaient souvent dès avant le déjeuner. Si l’on s’attardait un peu, la voiture était attelée ; Mamita allait sortir ; il fallait souvent bien des sollicitations pour l’y décider. Elle vieillissait sensiblement et ne voyait presque plus ; c’était sa seule infirmité et sa plus cruelle souffrance ; les meilleures jouissances de la promenade lui étaient enlevées ; aussi, avec quelle satisfaction elle recevait le visiteur qui arrivait à l’heure fatale, et lui donnait un prétexte de rester dans son fauteuil, et de disposer de la voiture pour quelqu’un des siens. Vite, elle sonnait pour demander une bûche pour le feu, alors qu’on eût plutôt fait ouvrir la croisée ; mais elle avait toujours froid et éprouvait le besoin d’une température très élevée, souvent très fatigante pour ceux qui lui tenaient compagnie. Ses moindres désirs étaient une loi pour tous ; enfants et domestiques rivalisaient d’empressement à les exécuter, comme aussi quelquefois d’ingénieuse habileté à les éluder, pour son bien, quand la nécessité l’exigeait. Cela devenait souvent un peu difficile, car elle conservait malgré son grand âge son activité d’esprit et sa force de volonté ; une précaution, un soin à prendre étaient rejetés ; il fallait un mot de Ferdinand, d’autres fois la calme sérénité de Thomas pour venir à bout de ses petites résistances, Chaque jour, c’était une invention nouvelle de leur tendresse pour lui procurer une commodité de plus ; c’étaient les systèmes les plus perfectionnés, les inventions les plus touchantes ; tout ce qui l’entourait dans sa bonne chambre en portait l’empreinte : c’était le lit avec ses cordes de points d’appui et son ingénieux marchepied, l’horloge à répétition, les écrans pour le feu et la lumière, les chancelières et les boules d’eau chaude, la peau de mouton entourant le fauteuil. Sa voiture était la plus douce qui se pût