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amies, la petite Serafina montra de bonne heure cette exquise sensibilité et cet esprit d’affabilité qu’elle conserva toute sa vie. Elle aimait à raconter elle-même les souvenirs de son enfance ; alors elle s’animait, et une conversation commencée en français se terminait toujours en espagnol, avec la verve gracieuse qu’elle savait donner à sa parole, et qui la rendait si expressive, que souvent les personnes les moins initiées à l’espagnol, l’écoutaient avec charme.

C’est ainsi que maintes fois nous entendîmes le charmant récit qu’elle nous faisait, de sa mère allaitant, alternativement avec elle, l’enfant de son amie, cette Margarita qui plus tard devait entrer dans le cloître, sans oublier sa chère sœur de lait ; car elle lui écrivait les lettres les plus affectueuses et lui envoyait de ces jolis ouvrages de cire que nous admirions dans notre enfance ; puis c’était la promenade en volanta, le paseo, les cérémonies religieuses, les visites, les réunions d’intimité, et jusqu’aux bals des négresses avec leurs panaches de plumes blanches.

Nos relations, tout aimables et gracieuses qu’elles soient en France, sont toujours un peu cérémonieuses ; elles ne peuvent nous donner idée de l’expansion et de l’abandon amical qui régnaient alors et règnent sans doute encore dans la société havanaise.

Notre chère Mamita en avait conservé toute la fraîcheur. Rien n’était plus charmant que de la voir au milieu d’Espagnoles, se laissant aller avec elles à la volubilité et à l’affabilité de la conversation. Que de Françaises charmées, elles aussi, par cette aimable grand’mère ; que de jeunes femmes du monde, assidues à venir la visiter, assurées qu’elles étaient d’un accueil toujours si affable !

Mais ce côté si séduisant de son caractère n’était pas le seul à exalter en notre chère Bonne-Maman. À cinq ans, elle perdit son père et fut formée, par le malheur, aux devoirs austères du ménage et de l’économie ; ce fut alors qu’elle contracta ces habitudes d’ordre et de ponctualité qu’elle conserva toujours au milieu de l’opulence dans laquelle elle vécut depuis si simplement.

La señora Aloy, privée de son soutien et chargée d’une nombreuse famille, fut obligée de réformer sa maison, de vendre