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Mme CHAUVITEAU À SON FILS CHÂLON

Providence, 9 mai 1798.

Vous êtes sûrement bien arrivé à votre destination, mon cher Châlon ; je m’en réjouis très fort, car, si vous eussiez tardé plus longtemps à vous en aller, on n’aurait peut-être pas voulu vous donner passage, à cause des risques des corsaires qui, dit-on, courent sur les Américains de tous les côtés. La guerre avec ce pays-ci paraît inévitable ; si ce malheur arrive, nous allons être privés de correspondre avec vous. Le capitaine Smith a remis à votre père ce que Salabert lui avait remis pour lui ; mais la lettre a été décachetée et lue par un corsaire anglais. Nous en avons été tous très fâchés ; il n’est point agréable que les étrangers lisent nos lettres avant nous ; ainsi, pour éviter ce désagrément, il faut nous écrire sous le couvert de M. Clark, et de préférence par les bâtiments de Bristol. Si la guerre ne se déclare pas, Cosine partira. Je profiterai de son occasion pour vous envoyer quelques effets que vous avez laissés ici.

Point de nouvelles de Chauviteau ni de la Guadeloupe. Je ne vous recommande pas, mon fils, d’être sage. J’ai trop bonne opinion de vous pour ne pas croire que vous ne vous conduisiez pas avec tout le monde comme un garçon bien élevé doit le faire ; mais je vous recommande de ne pas oublier que vous avez quitté vos parents pour aller travailler à vous faire un sort. Vous avez eu des privations, de la misère ; vous avez été à même de juger de la différence qu’il y a entre les gens qui sont dans l’opulence et ceux qui sont dans l’indigence ; tout cela doit vous donner de l’émulation et une noble ambition.