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XXI

— J’aurais préféré, soliloque Minne, être malheureuse. Les gens ne savent pas assez que l’absence du malheur rend triste. Un bon malheur, bien net, bien motivé, alimenté, renouvelé à toute heure, — un enfer, quoi, mais un enfer varié, remuant, animé, voilà qui tient en haleine, voilà qui colore la vie !

Elle secoue, d’un hochement de tête, sa fluide chevelure sur sa robe de laine blanche, et redit, Mélisande qui s’ignore, le mot poignant : « Je ne suis pas heureuse ici. »

Mars s’insinue par la fenêtre entr’ouverte. Une zone fraîche divise en deux l’air immobile de la chambre, et les larges prunelles de Minne, fixes, reflètent le lent balancement d’un bourgeon verni de marronnier.