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— Vous êtes d’une telle bonté…

Elle hochait la tête et ses doux cheveux remuaient sur son front et sur ses oreilles très petites, presque rondes. Quand elle voulait convaincre Fanny, elle ouvrait grands ses yeux gris tavelés d’un peu d’or, et soulevait sa lèvre supérieure pour montrer quatre petites dents courtes et blanches. Mais Fanny n’accorda pas d’attention à ce qu’elle nommait la “ figure filiale ” de Jane. Elle fumait sans plaisir, et elle éteignit sa cigarette en l’écrasant du pouce, avec une animosité cachée.

— Non, Jane, ne me dites pas tout le temps que je suis bonne. Mais laissez-moi vous répéter que vous ne comprenez rien à cet enfant.

— Et vous ? demanda Jane.

— Moi non plus, c’est probable. Tout ce que je sais, c’est que nous rendons souvent le petit Farou malheureux. Vous, surtout. Car il est amoureux de vous, naturellement. Et vous le traitez quelquefois avec une négligence un peu dure.

— Il prend bien son temps, vraiment !

— Mon Dieu, Jane, comme vous vous scandalisez facilement ! vous êtes jolie et mon beau-fils a seize ans. Je sais parfaitement que Jean n’osera jamais, ne souhaitera peut-être jamais vous faire une “ déclaration ”…

— Il fera aussi bien.

Jane se leva, s’accouda au mur bas de la terrasse.

“ Ça y est, pensa Fanny. Elle m’a répondu sec comme trique, et elle va me parler de l’éducation