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marbre, moulés, taillés selon un mauvais goût serein, une vanité enfantine qui ne désarment pas, mais qui inspirent le haussement d’épaules, le rire indigné et font de cette promenade rituelle une récréation inconvenante.

Qu’évoquerait-on devant ce bastion en chocolat verni, paré de moulures, percé d’œils-de-bœuf, sinon le portique de Magic-City ? Et ces cerceaux de faïence jaune, enfilés aux barreaux des grilles, accotés aux cubes de granit ! Il y en a, de ces cercles de céramique, sur presque toutes les tombes ; les vivants les jettent aux morts, comme les couronnes d’un pain dur et doré, que les bouches sans dents et sans lèvres n’entameront plus : « Tiens, en voilà encore une ! et attrape celle-là ! Et l’an prochain tu en auras encore une autre !… » On ne peut pas leur donner à tous de vraies fleurs, il en faudrait trop. Dans ce seul cimetière, il y a tant, tant et tant de morts ! Ils empiètent sur les trottoirs, ils se