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marbre gainé de soie, au risque d’éveiller, trop tôt, son frisson et son rire, je lui crie :

— Statue, tu as du noir quelque part ! Statue, ton maillot craque !

Ainsi, j’occupe le temps trop bref de ma retraite, avant de bondir, chatte de gouttière en maillot peint, sur la scène… Au sortir de ma nuit, la rampe m’aveugle ; mes oreilles couvertes et matelassées entendent à peine… J’imite — pauvrement, mais qui peut l’imiter ? — la malice guetteuse, l’exigence caressante, l’électrique turbulence d’une chatte jalouse… Hélas ! il y a bien longtemps que je ne cours plus sur quatre pattes… Et, chaque fois que je quitte la scène, Chatte haletante courant sur deux pattes lourdes, sa queue de bourre ballant sur une croupe de femme, je rencontre, sur le palier de ma loge, le Petit Chat de la concierge, le Petit Chat, le vrai Petit Chat qui m’attend là exprès, mince, vêtu de velours, rayé comme un serpent.

Il me regarde monter ; il penche entre les barreaux de la rampe son visage de chat, diabolique et charmant comme une fleur tigrée. Il se retient de rire, mais je sais qu’il se moque de moi…