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LA BANDE

23 février 1913

Je ne puis, de la place que j’occupe, les voir tous[1]. Au premier rang, je reconnais facilement Soudy, Kilbatchiche, et Callemin plus loin, et encore Dieudonné. Carouy, au second rang, m’apparaît de temps en temps, intercalé dans une frise bleue et rouge de gardes municipaux.

Je les reconnais, grâce aux journaux qui, depuis tant de jours, nous les montrèrent, faces, profils et nuques. Mais ils ne me semblent presque pas plus vivants, ici, que les instantanés et les croquis sans nombre qui me rendirent leurs traits familiers. L’épuisement de douze audiences consécutives, sans doute, les fait mornes, ensommeillés, et ils subissent maussadement la triste lumière d’atelier qui tombe d’en haut, tamisée par la neige tourbillonnante. La raideur, la militaire carrure des gardes qui séparent les accusés soulignent la

  1. Il s’agit ici des complices de Bonnot qui comparurent devant les Assises de la Seine en février 1913.