de troupeau, vers le but plus que jamais invisible, là-bas…
Un arrêt brusque, puis un reflux me renversant à demi. Agenouillée, je me suspends à deux bras solides qui me secouent rageusement d’abord, puis me halent ; je n’ai pas le temps de remercier :
— Où sont-ils ? Où sont-ils ?…
Une ouvrière chétive, en tablier noir, halète : — Ils se sont sauvés ! Ils courent dans les champs ! Le monde court après eux !
Elle ne peut pas le savoir, elle n’a rien vu. Elle crie, elle raconte tout haut ce qu’elle imagine… La cohue nous reprend toutes deux, nous soulève ; je m’abrite un instant contre un homme très grand, qui se laisse ballotter et rouler froidement, ses deux bras levés soutenant en l’air un appareil photographique qu’il fait fonctionner sans relâche, au jugé…
La poussière, la fumée suffoquent… Pendant que le vent déplace le nuage qui nous couvre, je m’aperçois que je suis tout près de la bicoque défoncée qui craque et flambe ; mais tout de suite la foule m’emporte et je lutte pour qu’elle ne m’écrase point… On crie confusément ; les voix sont rauques et enrouées comme celles des gens qui sanglotent. Une clameur se précise, s’étend et régularise le tumulte : « À mort ! À mort ! » Je respire, grâce à une trouée…
— À mort ! À mort !
De nouveau me voici poussée, meurtrie, accu-