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rien. Pourvu que j’aie de la place pour mes bouquins, je me fous du quartier. Et toi ?

— Moi aussi, je m’en… ça m’est égal.

Je n’en savais rien du tout, en réalité. Comment voulez-vous qu’une Claudine, qui n’a jamais quitté la grande maison et le cher jardin de Montigny, sache ce qu’il lui faut à Paris, et quel quartier on doit choisir ? Fanchette non plus n’en sait rien. Mais je devins agitée, et, comme dans toutes les grandes circonstances de ma vie, je me mis à errer pendant que papa soudainement pratique, — non, je vais trop loin, — soudainement actif, s’occupait, à grand fracas, des emballages.

J’aimai mieux, pour cent raisons, fuir dans les bois et ne point écouter les plaintes rageuses de Mélie.

Mélie est blonde, paresseuse et fanée. Elle a été fort jolie. Elle fait la cuisine, m’apporte de l’eau et soustrait les fruits de notre jardin, pour les donner à de vagues « connaissances ». Mais papa assure qu’elle m’a nourrie, jadis, avec un lait « superbe » et qu’elle continue à m’aimer bien. Elle chante beaucoup, elle