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tandis qu’on dissertait de l’amour diversement compris et présenté en littérature. Le poète auteur du beau drame dans lequel l’amour a une si noble et si touchante part, reprochait au jeune romancier ses peintures trop réelles du cœur humain :

« Dans les scènes de sentiment, disait-il, il faut que l’idéal, qui est l’idée de l’infini, plane sur notre nature finie, élève les personnages que nous créons et les fasse un peu plus grands, un peu meilleurs que nous ne le sommes dans la vie ; ne serait-ce, ajouta-t-il, que pour donner aux hommes le désir d’imiter nos fictions ; — et d’ailleurs nous touchons à l’idéal par moments, cela suffit pour nous le faire comprendre et pour nous inspirer de nous y maintenir.

» — Dans nos fictions ! — répliqua ironiquement le romancier ; fiction qui, à mon avis, perdent tout enseignement sur nos cœurs si elles nous présentent des événements impossibles ; de là sont venues tant d’œuvres de déclamation que le temps emporte, tandis que le tableau naïf de nos misères et de nos sentiments bornés et combattus, reproduisant les luttes secrètes des passions diverses de l’homme, qui, quel qu’il soit, bourgeois infime ou penseur universel, porte fatalement en lui le résidu du gisement des ancêtres…