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Madame de Lerme était toujours uniformément vêtue en noir par les temps froids, en blanc par les jours chauds ; mais, soit que son cou flexible et ses bras de la forme la plus pure jaillissent du velours ou de la mousseline, ils étaient comme une attestation de sa beauté parfaite, que le temps avait à peine ternie. L’éclat du visage était moins vif qu’autrefois, mais son expression plus attachante ; l’ancien enjouement s’était voilé, les joues avaient pâli, l’œil un peu creusé brillait plus triste et plus doux, gardant ses flammes pour les rapides moments où la passion enfouie se trahissait. L’ensemble de la physionomie était devenu morne par l’absence du sourire, qui ne s’y montrait guère que contraint et amer ; le charme de cette femme était, pour ainsi dire, intérieur : il venait d’une souffrance cachée qu’on soupçonnait à peine et qui n’éclatait jamais dans ses paroles, pas même dans son accent. Seulement, dans les questions générales d’art, de philosophie ou de sentiment, les seules dont on s’occupât habituellement chez elle, chaque mot qui lui échappait prouvait une cruelle et profonde expérience de la vie, un scepticisme très-arrêté, quoique placide et attendri. On sentait qu’elle niait l’espérance pour elle-même, mais qu’elle eût hésité à l’enlever aux autres. Ses amis,