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— 143 — aimons, cinq ans que nous sommes ensemble, par¬ tageant tout, misères et plaisirs; jamais je ne t’ai mise en méfiance, et jamais je n’ai douté de toi. Si quelqu’un disait du mal de ma Madeleine, je le tuerais comme un vieux chien ; et si l’on voulait insulter ton Pierre, je te vois d’ici montrer les dents. Qu’un riche te demande en mariage, tu répondras : Non! j’en suis bien sûr. Qu’une princesse pense à me faire prince, je lui dirais : Je n’ai plus mon cœur ! Encore deux ans et nous serons libres comme les oiseaux voletant dans les blés ; nous aurons une belle ferme ; tu feras le ménage et moi le labour ; tu chanteras le soir à la veillée de beaux noëls à nos petits enfants; nous vivrons tout ragaillardis dans la campagne si gaie en été, si tranquille en hiver ; rien que d’y songer, j’en ris d’avance ! La chambre n’y fait rien, ma petite femme; le contentement, c’est nous qui l’avons! Pense! pense à la pauvre morte, si riche, si belle et si bien habillée ! Pour être heureuse comme nous le sommes, elle aurait changé ses habits contre les tiens! » J’avais les yeux perdus dans les yeux de Pierre pendant qu’il parlait de la sorte tout bénignement, et j’y pompais comme une clarté qui me faisait voir mon sort bien heureux. Je l’embrassai longtemps,