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— 142 — parti, nous restâmes tous deux sur la fosse, pleurant et disant nos oraisons. Tout à coup Pierre eut une figure qui me fit peur, un air mauvais que je ne lui avais jamais vu. « Il me prend envie d’aller tuer cet homme, me dit-il, en mettant la main sur le sabre qu’il avait au côté. » — Tais-toi, Pierre, et songe à la chère dame qui l’aimait tant! elle l’aime encore dans le parais! » — Pourquoi punit-on les assassins, me répon¬ dit-il, si je ne puis punir celui-ci? « — Laissons faire à Dieu, mon bon Pierre; c’est lui qui châtie et fait pleurer un jour les plus en¬ durcis ! » Il fallut quitter la maison de la morte, où les hé¬ ritiers arrivèrent bientôt. Je louai dans le faubourg une petite chambre, et j’y rentrais chaque soir après avoir fait ma journée chez une ouvrière en robes. Oh! comme elle était triste, cette chambre ! ce n’était plus les grands feux et les grandes lumières que j’avais chez la pauvre dame! Je le dis à Pierre dès le premier soir; il répliqua : « — Madeleine, regardons-nous bien un moment tous deux! Voilà bientôt cinq ans que nous nous