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PROMENADE EN HOLLANDE.

bonheur ; mais une dignité fière venait de poindre en elles et les fortifiait.

J’avais passé cette même soirée auprès de mes amis, qui, je dois en convenir, avec cette dureté et cette insouciance de la souffrance causée qu’on a dans la première jeunesse, s’enivraient de leurs projets de voyage aussi ardemment que nous le faisions à Leyde. Seulement ils limitaient leur absence à un an ou deux, et pour se justifier à eux-mêmes (non pas du mal qu’ils faisaient, mais de la mobilité de leurs actions) :

« Nous les retrouverons aimantes et belles, » disaient-ils.

Quoique mon esprit entier fût entraîné par leur rêve, ils ne purent me vaincre quand ils voulurent me décider à partir avec eux. J’avais une famille qui comptait sur moi, pas de fortune, et trop d’orgueil pour consentir à être défrayé par eux. Je compris alors tout le désespoir d’être rivé comme un prisonnier à ce que j’appelais les chaînes et le cachot du devoir ; plus tard je devais en sentir la consolation.

Les deux mères, qui savaient leurs fils résolus à partir, n’intervinrent point dans cette veillée. Elles nous abandonnèrent, comme cela convenait à leur dessein, à toute la fougue et à toute l’intempérance de nos pensées.

Le lendemain, Georges et Guillaume me prièrent