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PROMENADE EN HOLLANDE.

agricole et stationnaire comme la Suisse. Ce qui a fait notre renommée et notre poésie, ce sont nos vaisseaux sillonnant les mers et fondant en Asie des colonies puissantes.

Suivant la diversité des vocations, les uns ont cherché la fortune et la gloire dans ces tentatives périlleuses, d’autres ne leur ont demandé que le mouvement et une vie plus riante. Quitter un climat glacé pour des rives brûlantes ; des fleurs et des fruits sans saveur pour tous les parfums enivrants ; des femmes froides, aux costumes disgracieux, pour des bayadères et des almées ; le connu et le banal, pour l’inconnu et l’inusité : voilà plus de mirage qu’il n’en fallait pour attirer et donner le vertige à des imaginations d’étudiants ! Nous en étions venus, durant nos veillées de Leyde, à circonstancier nos rêves comme on fait des réalités ; nous analysions à l’avance nos émotions dans ces contrées presque fabuleuses ; nous nous décrivions ces contrées elles-mêmes, leurs paysages, leurs monuments. Nous les parcourions tantôt pour les étudier en érudits, tantôt pour en jouir en aventuriers. Moi seul, le rêve épuisé sous toutes ses formes, je me décourageais parfois en pressentant l’impossibilité de le réaliser : j’étais sans fortune, et, mes études achevées, je devais songer à prendre un état sédentaire et non à courir les mers. Mais Georges et Guillaume se récriaient à mes objections :