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PROMENADE EN HOLLANDE.

tits jambons fumés, des bottes de fromages, etc., etc. D’autres planches soutenaient les provisions de fruits de tous les climats ; d’autres, celles des sucres et des épices ; d’autres encore, de petits bocaux pleins d’olives, d’anchois, de thon mariné, de piments et de condiments au vinaigre, et quelques-uns de clous de girofle, de bois de cannelle, et de gousses de vanille pour parfumer les crèmes, les compotes et les poudings. La brise qui soufflait de la Meuse soulevait les stores de toile écrue des deux fenêtres de l’office et y répandait un air vivifiant et conservateur.

Nous montâmes au parloir pour prendre le café, dont le docteur me fit remarquer l’arôme de pur Moka ; puis nous causâmes littérature et musique. En musique, le goût des deux amies se limitait à Schubert, dont elles savaient tout le répertoire par cœur : Marguerite préférait les mélodies les plus vives, Rosée les plus attendries ; elles chantaient toutes deux avec pureté et méthode, mais d’une façon un peu froide. Thomas Moore et Lamartine étaient leurs poëtes de prédilection ; elles y puisaient des langueurs qui berçaient et endormaient leur amour, et l’empêchaient de devenir tempêtueux. Parfois elles s’essayaient elles-mêmes à mettre leurs larmes en vers, Rosée en français, Marguerite en hollandais. C’était une poésie vague et molle comme les brumes de la Meuse, et où l’image ne naissait