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PROMENADE EN HOLLANDE.

sommeil un peu factice. Bientôt je m’assoupis tout à fait et je revis en songe les personnages des quatre portraits vieillis, changés, alourdis, et je me disais : « Ne demandons rien au docteur : ils sont vivants, mais leur belle jeunesse s’est envolée, leur frais amour aura suivi leur jeunesse ; ce doivent être de placides bourgeois de Rotterdam ayant beaucoup d’enfants. »

Je ne sais combien de temps je reposai, mais je me réveillai tout à coup sans tiraillement de corps, sans indécision d’esprit, et avec cette netteté de pensée que laisse après lui un sommeil procuré par l’opium. Je me levai de mon large fauteuil, et, en attendant la venue du docteur, je me plaçai debout en face des quatre portraits, que je contemplai de nouveau. Il n’y avait pas deux secondes que j’étais dans cette attitude, quand j’entendis les pas du docteur : il avait sans doute épié mon réveil, assis dans la serre.

« Ah ! me dit-il, je devine votre curiosité, et j’y satisferai bientôt ; mais d’abord déjeunons.

— Eh ! quoi, docteur, répliquai-je, non content de m’avoir procuré par votre science un sommeil réparateur, vous voulez maintenant me nourrir et…

— Oui, oui, interrompit-il en riant, ne serait-ce que pour vous réconcilier avec la cuisine de la Hollande, qui a dû vous paraître atroce dans les auberges. »