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PROMENADE EN HOLLANDE.

personne. Elle tenait dans ses doigts mignons tine branche de lilas.

Le portrait d’homme placé à côté d’elle la regardait avec amour ou plutôt avec passion, car c’était un feu incandescent qui s’échappait de ces longs yeux noirs aux cils recourbés ; le nez aquilin rappelait la race juive ; la bouche fraîche et sensuelle était couronnée d’une fine moustache noire ; sur le front intelligent, mais sans grandeur, se bouclaient d’épais et soyeux cheveux bruns. Ce beau jeune homme, qui paraissait à peine dépasser vingt ans, avait une de ces tailles cambrées et fières qu’aucun costume ne donne, mais que certains costumes font ressortir. Il portait une redingote en velours noir, bordée de fourrures de martre, une de ces fantaisies d’habillement qu’on peut se permettre dans les pays du Nord, comme les habitants du Midi se permettent la blouse de batiste écrue et le chapeau de paille d’Italie. L’ensemble de ce beau portrait d’homme exprimait la force et la décision, et, tandis qu’il dardait son regard sur la frêle jeune fille, on eût dit un vautour convoitant une colombe. Je les regardai longtemps l’un et l’autre, puis mes yeux se portèrent sur l’autre jeune couple du panneau parallèle. Là, la jeune fille était bien plus vivante : elle avait une de ces épaisses chevelures couleur d’ambre que Titien donne aux femmes de Venise et Rubens aux femmes bataves, et dont les beaux reflets roux sem-