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PROMENADE EN HOLLANDE.

À la faible lueur de la lampe nocturne,
Plus pâle agonisait le grand Christ du Titien ;
Alors se ranimait l’empereur taciturne :
Le supplice d’un Dieu semblait calmer le sien.
 
Il regardait mourir sa fière destinée…
L’esprit a survécu, mais le corps se dissout.
Une épée est pesante à sa main décharnée,
Et le sceptre trop lourd n’y tiendrait plus debout.

Pour cacher son déclin, il a caché sa vie ;
Dans la tombe du cloître il va s’ensevelir,
Et sur la terre, encor de sa course éblouie,
il consent à s’éteindre, il ne veut point pâlir !

Étendards déployés, belliqueuses phalanges !
Victoires ! rois captifs ! ennemi désarmé !
Clairons retentissants ! fanfares des louanges !
Globe de Charlemagne en sa droite enfermé !

Lauriers, bandeau royal dont sa tête fut ceinte,
Pouvoir qui le fit fort, gloire qui le fit grand,
Qu’êtes-vous désormais pour sa vigueur éteinte ?
Empire, qu’êtes-vous pour le moine mourant ?

Il s’assied au soleil sur la blanche terrasse,
Où se penche sur lui l’ombre des citronniers…
Pour qui donc bat ce cœur dans ce corps qui se glace ?
Où s’en vont ce sourire et ces regards derniers ?…
 
Ils vont vers cet enfant qui court dans la campagne,
Vers ce beau don Juan en qui germe un héros,
Qui franchit les torrents, qui gravit les montagnes,
En se riant des rocs, en se jouant des flots !

Cet enfant, c’est l’écho qu’il laisse dans le monde,
C’est l’enivrant parfum des dernières amours,