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PROMENADE EN HOLLANDE.

Des empires fondés par eux il reste à peine quelques vestiges, et d’eux-mêmes rien, si ce n’est un nom que bien des peuples ignorent.

Il est là réduit en un peu de poussière, ce premier des trois empereurs, ce Charlemagne fantastique qui se perd presque pour nous dans l’obscurité des légendes. Un soir, il entendit retentir sur la dalle de marbre qui le recouvre les pas du second des grands empereurs. Charles-Quint, élu à l’empire, faisait sous ce dôme sa veillée d’armes ; il erre sous ces profonds arceaux, reparaît et s’arrête au centre, où dort Charlemagne. Je crois l’entendre évoquer le vieux Frank, et le monologue d’Hernani me revient en mémoire.

Puis, c’est un autre souvenir que j’évoque. Une blonde et naïve figure de femme se détache, lumineuse, sur un des vitraux de l’église ; ne serait-ce point l’image de cette fille du Rhin, de cette humble Barbe Blumberg, que Charles-Quint a aimée et qui fut la mère de don Juan ? Mais l’amant et le souverain s’évanouissent : je revois Charles-Quint vieux, cassé, moine à Saint-Just, et ranimant, comme se plaisent à le faire tous les mourants, les souvenirs des amours de sa vie :

Dans sa chambre funèbre à la noire tenture,
Étendu sur son lit au sombre baldaquin,
Quand il veillait la nuit, monts de l’Estramadure,
Avez-vous écouté l’âme de Charles-Quint ?