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PROMENADE EN HOLLANDE.

que ces yeux vagues et morts, qui ne voient rien de la terre, aperçoivent Dieu dans le ciel : l’âme palpite dans leur chant. Une jeune fille, surtout, chante les solos d’une façon si émue et si pénétrante, que je ne puis l’entendre sans pleurer.

C’est en souvenir de cette émotion que j’adressai, à mon retour à Paris, les vers qu’on va lire à M. Van Dapperen :

Pauvres enfants, pour qui reste un sombre mystère
La beauté de la mer et celle du soleil,
Et qui, sur les hauteurs, n’ont jamais vu la terre
Sourire à son réveil ;

Pauvres enfants, privés d’admirer la nature,
Ses grâces, ses splendeurs, ses sublimes accords ;
Pour eux, l’intelligence est comme une torture
Infligée à leur corps !

Ils pensent… mais la nuit dérobe à leur pensée
Ce qu’ils voudraient aimer et ce qu’ils voudraient voir,
Et chaque but riant où leur âme est poussée
Se change en gouffre noir.

Ignorer les couleurs, les lignes, l’harmonie
D’un paysage en fleur et d’un visage humain ;
Ignorer le rayon des œuvres du génie
Que palpera leur main ;

Rêver que l’or est gris et que le marbre est terne ;
Que flamme et diamant ne sont qu’obscurité ;
Recouvrir tout éclat d’un linceul qui consterne
La vie et la beauté ;