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PROMENADE EN HOLLANDE

Enfin Raynold annonça son retour ; il revenait avec la fameuse Cythérée rose, retrouvée à grand’peine sur les côtes les plus éloignées du Japon ! Quels travaux ne lui avait pas coûtés cette merveille ! À quels périls ne l’avait-elle pas exposé, et à quel prix, grand Dieu ! l’avait-il conquise ? Cette dernière phrase ouvrait à l’esprit de Sulpicia des horizons de doute ; que lui était-il donc arrivé ?

Un mois avant son retour, elle perdit sa mère. Mme Van Dolfius mourut victime de la science : un jour d’été, elle vit dans la campagne de Leyde, sur un canal abandonné où pourrissaient des charognes, une grosse mouche qui lui parut d’une espèce inconnue. Elle se saisit avec dextérité du bourdonnant insecte, qui lui fit à la main une piqûre. C’était une mouche charbonnée. La gangrène se répandit rapidement dans le sang : la pauvre femme mourut vite et presque sans douleur.

Van Dolfius reçut de cette perte une blessure mortelle ; son âme en fut à moitié paralysée ; sa vie se dédoublait ; celle qui l’avait complétée n’était plus là. À qui désormais confier ses observations et ses découvertes ? Il se sentit tellement seul dans le monde qu’il désira mourir.

L’arrivée de Raynold sembla pourtant le ranimer un peu. Quand il tint dans ses mains le beau coquillage rose, cette Cythérée si parfaite et si pure que vous avez touchée ce matin, il fut pris d’un ra-