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PROMENADE EN HOLLANDE.

regard s’arrêta sur moi. Ce regard était profond et froid comme un abîme ; il me fit penser au gouffre de la Porte-Blanche.

La voiture tourna et me déroba la jeune femme. Nous étions arrivés à la grille du Jardin botanique ; le professeur de l’Université de Leyde m’en fit remarquer toutes les plantes, rangées par ordre d’après la double classification des systèmes de Linnée et de Jussieu. Les plantes des deux Indes, la cannelle, la chinine, le coton, le café, le bois d’acajou, sont cultivés dans des serres. Dans la plus grande et la plus ornée sont les deux dattiers, plantés là il y a deux cents ans. Nous nous assîmes à leur ombre tiède et tranquille, et l’ami du docteur commença son récit.


La jeune femme que vous venez de voir, me dit-il, a eu pour père un des derniers conservateurs du Musée d’histoire naturelle. Le docte Van Dolfius était bien le type le plus accompli du Hollandais sédentaire, qui, pour tromper l’ennui du climat et d’une société restreinte, cherche dans l’art et dans la science un de ces amours profonds, absorbants, et pour ainsi dire rongeurs, où se concentrent toutes les facultés et tous les sentiments. C’est cette passion qui a fait Rembrandt et Téniers, Spinosa et Scaliger, et nos illustres collectionneurs d’animaux, d’insectes, de coquillages et de fleurs.