sur le bord, un beau moulin à vent dominé par des arbres centenaires ; la lune brille à travers leurs rameaux et projette sur le Rhin tranquille et sombre des irradiations d’or. Charmée par la beauté de ce lieu, je m’accoude un instant à la balustrade du pont pour le contempler.
« Les flots sont très-profonds sous ce fourré de verdure ; au pied du moulin où l’eau tourbillonne, me dit mon guide, ce gouffre a servi de saut de Leucade.
— À quelque femme abandonnée, interrompis-je.
— Du tout, reprit le professeur ; vous croyez qu’il n’y a que les femmes qui meurent d’amour ? Ces eaux ont vu s’engloutir un pauvre jeune homme fidèle et oublié. Cette histoire peut servir d’antithèse à celle des Jolies filles de Rotterdam, que mon ami le docteur vous a contée.
— Eh bien ! repris-je, dites-moi votre antithèse.
— Demain, répliqua-t-il, quand nous aurons visité le Muséum d’histoire naturelle, où vous verrez le trophée irrécusable de cet amour. »
Nous quittâmes le bord du pont ; nous passâmes sous la porte monumentale, et nous nous trouvâmes dans une rue où beaucoup de monde se pressait. Les chants et les fanfares redoublaient ; quelques pétards tonnaient dans l’air et donnaient le signal de la fête nocturne. Arrivés sur le plus grand pont qui traverse le Rhin dans l’intérieur de