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PROMENADE EN HOLLANDE.

grossis, mais toujours beaux. C’était bien le type de l’homme de quarante ans, rompu à la fatigue et aux plaisirs, et n’ayant aucune trace des soucis de la pensée sur son front lisse. Ses cheveux, parfaitement noirs, ondulaient encore en boucles soyeuses autour de la tête, mais le sommet était dénudé comme une tonsure de prêtre. Sa mise et toute sa personne étaient négligées ; il sentait le tabac et l’eau-de-vie. Guillaume me parut un spectre dans ses habits malpropres. Ses yeux étaient caves, sa pâleur effrayante, ses pommettes rouges et saillantes. Je compris que la fièvre, ou peut-être un commencement de consomption, le minait. Je le fis asseoir sur le même fauteuil où vous vous êtes assise, et je lui fis prendre un cordial qui le ranima.

Georges me demanda cavalièrement si leurs belles fiancées étaient encore regardables.

« Elles ont toujours, lui dis-je, le prestige de l’élégance et de la grâce, et vous ne pouvez paraître devant elles dans le délabrement où vous êtes. Réparez du moins le désordre de ce costume de voyage. »

Ils m’avouèrent alors que leur bagage était fort mince. Il ne renfermait que quelques étoffes et des objets sans valeur qu’ils rapportaient à leurs riches fiancées. Je savais leur fortune engloutie par quinze ans de dissipation, mais je ne m’imaginais pas qu’ils en fussent arrivés à ce dénûment.