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PROMENADE EN HOLLANDE.

deux transfuges ; vous avez deviné aussi leurs occupations incessantes, puériles, innocentes, enfantines, rappelant celles des nonnes dans un couvent. Tout ce qu’elles avaient en elles de vivacité, d’esprit, de grâce, de poésie, s’affadit et s’annihila en se repliant toujours sur soi-même. Mais ne vous y trompez pas, rien n’est mort de ces heureux germes. Vous avez vu des éclairs de l’esprit de Marguerite ; j’en ai surpris souvent dans le cœur de Rosée avant que tout son être ne se fût affaibli. Sentant que ce long amour trompé pouvait les tuer, parfois j’eus la pensée de tenter d’y substituer un nouvel amour. Que serait-il arrivé de mon entreprise personnelle ou suggérée à quelque autre ? Je l’ignore. Ni Rosée ni Marguerite n’auraient jamais eu l’initiative d’une infidélité ; mais, sollicitées et rappelées à la vie par quelque tentateur jeune et aimant, n’auraient-elles pas répondu ? Voilà mon doute. Il ne diminue en rien la beauté tranquille de leur amour. La règle d’une vie monotone, la température attristée de ce climat, le défi que l’âme se pose à elle-même dans ses affections ; un idéal longtemps caressé et qu’on ne veut point transformer en réalité moqueuse, tout a contribué à les sauvegarder. Moi-même, ayant comprimé dès le début quelques pulsations trop vives, je m’étais fait le gardien heureux et actif de leur pureté et de l’accomplissement de leur foi. Je veillais sur cette