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PROMENADE EN HOLLANDE.

L’autre sœur consentit aussitôt. Toutes deux elles comprenaient que le retour de leurs fils était éloigné ; elles sentaient les infirmités les envahir comme une eau montante durant une inondation. L’idée de la souffrance, si terrible dans la solitude, les remplissait d’effroi. Il leur fallait un peu de mouvement, quelque chose à entendre autour d’elles et à tourmenter peut-être.

Voyant leur bonne disposition, je les engageai à faire un effort, à se lever de leur fauteuil et à me suivre chez les deux orphelines. Elles ne me résistèrent point ; elles s’enveloppèrent entièrement dans une grande cape de soie noire, et, chacune d’elles s’appuyant tremblante à un de mes bras, nous traversâmes le pont jeté sur le canal qui sépare les deux maisons.

Quand Marguerite et Rosée virent entrer les deux mères dans ce salon où elles n’avaient pas paru depuis le soir de la signature des contrats, elles se jetèrent à leurs pieds en pleurant et les remercièrent de leur bonté. Les veuves leur dirent alors : « Vous êtes nos filles, vous allez venir habiter chez nous. »

Je vis un rayon de joie passer sur le front des deux délaissées. Elles avaient l’orgueil de la candeur et de la pureté, et souffraient intérieurement de ce qu’elles sentaient qu’on eût dit par la ville si, après l’abandon des fils, les mères ne leur avaient pas donné asile. On eût cru à une rupture irrévocable, tandis que