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PROMENADE EN HOLLANDE.

persuadaient pas que tout était fini. Je les forçai à s’éloigner de la chambre funèbre, et, les conduisant dans le salon, je leur fis promettre devant le portrait de Georges et de Guillaume de vivre pour eux et de les attendre avec confiance. Comme ami et comme médecin, je comprenais qu’il fallait leur rendre une illusion dont elles pouvaient vivre ; je leur parlais avec chaleur de l’amour et du prochain retour de mes amis, auquel je ne croyais guère, car tandis qu’elles recevaient des lettres composées, où la vérité se voilait de mille restrictions, j’en recevais de mon côté où toute la furie de leur vie d’aventures éclatait. Ils avaient quitté l’Inde hollandaise, me disaient-ils, comme un théâtre trop étroit de leur fantaisie et de leurs études. Ils venaient d’arriver à Delhi, où leur grande fortune, leur jeunesse, leur beauté, leur esprit et leur liaison avec de jeunes lords leur assuraient une vie de prince. « Figure-toi qu’il a un sérail ! » avait ajouté Guillaume en post-scriptum à une lettre de Georges. « Imagine-toi qu’il a réuni à grands frais tous les livres des poëtes indous, et qu’il se les fait lire ou chanter le soir par ses bayadères ! » avait mis Georges au bas d’une lettre de Guillaume.

Dans les lettres adressées à leurs mères, ils étaient moins sincères ; mais ils leur avouèrent pourtant leur dégoût des affaires, qui les faisait partir de Batavia, et leur dessein bien arrêté de voyager dans toute