Page:Colet - Promenade en Hollande.djvu/105

Cette page a été validée par deux contributeurs.
95
PROMENADE EN HOLLANDE.

— Oui, mais il s’est ranimé au printemps. Il y a quinze jours, me dit Marguerite, il causait, souriait, se mêlait à nos projets, lorsque cette fatale lettre est arrivée.

— Quelle lettre ? répliquai-je vivement.

— La lettre qui devait nous annoncer leur retour, continua Marguerite ; car voilà bientôt deux ans qu’ils sont partis, et c’était le terme extrême de cette inexplicable absence. Cette lettre ne parle que de nouveaux délais nécessités par leurs affaires. Et pourtant cette lettre ne vient pas de Batavia ; elle vient de l’Inde anglaise, elle vient de Delhi, où ils voyagent maintenant pour leur plaisir. Le capitaine de vaisseau qui a apporté cette lettre de Calcutta nous a tout révélé. Alors j’ai voulu partir, car que faisons-nous ici dans l’attente ? Nous sommes la risée de la ville. J’ai torturé mon père par mes plaintes, et Rosée par ses larmes. Un soir il est tombé sans vie dans nos bras, et depuis lors il est inerte et anéanti comme vous le voyez. »

Je tâchai de donner aux deux délaissées l’espoir que je n’avais pas. Je fis transporter le mourant dans son lit, et nous le veillâmes toute la nuit. Il ne nous donna aucun signe de vie ni de pensée. Quand vint le jour, il expira sans souffrir. Les deux orphelines ne voulaient pas croire à cette mort silencieuse et calme : elles tournaient autour de ce lit, embrassaient les mains froides et le pâle visage du mort, et ne se