Page:Colet - Promenade en Hollande.djvu/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.
92
PROMENADE EN HOLLANDE.

« Eh bien ! les voilà partis ; êtes-vous contentes ? leur dis-je avec un éclair de malignité. »

L’une d’elles hocha la tête et me dit :

« Oh ! vous ne connaissez pas le cœur des mères ! Contentes ! quel mot cruel ! Dites sacrifiées, mais heureuses s’ils sont heureux de ce voyage.

— Et s’ils reviennent bien vite, répliqua l’autre ; car chaque jour d’absence et d’amère inquiétude est une année retranchée de notre vie. »

Elles avaient toutes deux des larmes qui coulaient sur leurs joues ridées et jaunies.

Je les engageai à recevoir les deux jeunes filles pour se distraire.

« Non, répondirent-elles, elles sont la cause de tout ; plus tard, nous verrons. »

Je n’essayai point de combattre leur fanatique injustice et leur fis mes adieux. Je quittai Rotterdam et ma famille pour aller commencer mes études de médecin à Utrecht.

Mon départ ajouta au chagrin de Rosée et de Marguerite : pour elles, j’étais le frère des deux adorés ; elles m’en parlaient sans cesse.

Quand je revins aux vacances, je constatai un changement effroyable dans ces cinq êtres jadis si vivants. Les deux veuves, alertes et passionnées il n’y avait pas six mois, étaient accablées d’infirmités, comme si des années avaient passé sur leur tête ; les deux jeunes filles avaient une résignation de saintes,