PRÉFACE.
Il arrive un moment, dans toute vie littéraire, où l’esprit, faisant l’office de la conscience, se juge aussi rigoureusement lui-même qu’il pourrait l’être par la plus sévère critique : c’est l’heure intermédiaire entre l’inspiration facile, qui va toujours, et le travail réfléchi, qui doute, cherche, hésite et tend à se perfectionner. On éprouve alors une sincère désillusion sur tout ce qu’on a produit jusque-là ; on voudrait anéantir ces pâles ébauches autrefois caressées avec satisfaction ; on a l’espérance, presque la certitude de mieux faire à l’avenir, et l’on se demande s’il ne serait pas sage de livrer à l’oubli ces enfants premiers-nés pour lesquels on n’a plus de faiblesse.
Ce sentiment d’une rigide appréciation de soi-même m’a sérieusement préoccupée en réunissant dans ce volume presque tous les vers que j’ai faits jusqu’à ce jour[1]. Mon dessein avait été d’abord de rejeter en entier
- ↑ Excepté les scènes sur Charlotte Corday et sur madame Roland
et la Jeunesse de Goethe ; ces trois essais dramatiques en vers
(déjà publiés), réunis à une pièce que l’auteur destine au théâtre,
formeront un nouveau volume du même format que celui-ci.(Note de l’éditeur)