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Et vous dont les accents réveillaient l’Ausonie,
Vous qu’on a torturés dix ans dans l’agonie,
Noble Maroncelli, sublime Pellico,
Martyrs de liberté que l’amitié rassemble,
À la postérité vos noms iront ensemble,
Et dans tous les grands cœurs trouveront un écho !…

Oui, j’aime vos malheurs ! quelle âme assez commune
N’envîrait le génie au prix de l’infortune ?
Laissez les jours de joie à des mortels obscurs ;
La douleur est pour vous l’offrande expiatoire
Dont vous avez payé l’auréole de gloire
Qui couvrira vos fronts dans les siècles futurs !…
 
Comme l’éclair jaillit au milieu des nuées,
Dans les âmes ainsi fortement remuées
Dieu jette quelquefois un regard de merci ;
Alors, se dégageant des ombres de la terre ,
Leur avide pensée au ciel se désaltère…
      Oh ! je voudrais souffrir ainsi !

Mais il est des douleurs que le monde méprise,
Dont notre âme se meurt sans qu’elle soit comprise,
Sans qu’un mot de pitié dit par un être aimé
Vienne cicatriser nos blessures qui saignent :
Par ces tourments secrets que les hommes dédaignent,
      Mon cœur est consumé !
 
Traîner une existence aride et monotone
Où l’amour n’a jamais répandu sa chaleur ;
Voir pâlir mon printemps comme pâlit l’automne ;
Dans l’abîme du temps jeter mes jours en fleur !

L’âme ardente de foi trouver un siècle athée !
Avant d’avoir joui, vivre désenchantée,
      Et garder le désir !
Poursuivre sans espoir, dans un monde frivole,
Le bonheur idéal, qui sous ma main s’envole
      Quand je veux le saisir !