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Je rêvais en voyant ta sublime bonté
Embrasser la nature en son immensité,
Se répandre, depuis les douleurs du génie
Jusqu’à l’agneau bêlant, en tendresse infinie,
Et donner à tout être, bêlas ! qu’on foule au pié,
Une part de ton cœur, tout amour et pitié.
Je rêvais en voyant tout ce que l’homme blesse,
Misère, probité, génie, amour, faiblesse,
Dans ton âme si grande et si simple à la fois,
Trouver un sentiment, des larmes, une voix.
Cette troupe d’oiseaux, à tes pieds accourue,
Peignait la pauvreté, qui, par toi secourue,
Venait à la même heure, au bord de ton chemin,
Recevoir chaque jour l’aumône de ta main.
La mère qu’accablait le poids de ses entrailles,
Voyait doubler par toi le froment des semailles ;
Tu cachais sous l’épi dans nos moissons glané
La layette de lin pour l’enfant nouveau-né ;
Puis tu disais avec un sourire céleste :
« La pauvre femme assise à son foyer modeste,
Ce soir en déliant les gerbes du faisceau,
De ce fils qu’elle attend trouvera le trousseau ;
Et l’enfant, qui déjà pressentait la misère,
Tressaillera joyeux dans le sein de sa mère. »
La charité, l’amour, ces divines vertus
Dont pour nous ennoblir Dieu nous a revêtus ;
La charité, ce mot du céleste idiome,
Qu’un ange à son berceau dut enseigner à l’homme,
La charité du Christ, qui fit naître la foi,
O ma mère, elle était inépuisable en toi ;
Sur les douleurs du corps, sur les tourments de l’âme,
Sur tout ce qui souffrait tu versais son dictame ;
Oui, l’amour qui console et guérit, tu l’avais.
Voilà pourquoi marchant près de toi je rêvais ;
Pourquoi, quand je sondais ma pensée orgueilleuse,
Qui demandait aux arts une gloire douteuse,
Je me sentais rougir de désirer si peu :
Au lieu de tes vertus, la gloire… Oh ! non, mon Dieu !