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le premier recueil, chants de jeune fille, sonores, retentissants, d’une mélodie parfois un peu monotone, et exprimant des émotions de l’âme souvent ressenties et formulées par d’autres avant et depuis la publication de ces premiers vers. Une pensée m’a retenue : avais-je cherché à imiter ? Non, sincèrement, non : ces chants furent l’écho, peut-être inhabile, mais fidèle, de ce que j’éprouvais alors. Beaucoup de poètes ont traversé ces phases et les ont décrites ; ce n’est pas qu’ils se soient copiés l’un l’autre : c’est qu’avant d’atteindre à l’originalité, ils ont passé, en entrant dans la vie, par des sensations douloureuses et délicates traduites en plaintes élégiaques qui se ressemblent naturellement entre elles. D’ailleurs ces vers, quels qu’ils soient, m’avaient attiré la bienveillance des personnes qui cultivent et qui aiment encore la poésie, et une sorte de reconnaissance me prescrivait de les conserver, fût-ce aux dépens de mon amour-propre. C’est aussi à ce premier recueil que je dois le suffrage de mes amis et les sympathies inespérées qui sont venues me chercher dès le début. Il n’est pas nécessaire d’être peintre pour admirer un beau paysage, ni musicien pour être ému par des sons harmonieux ; de même il est dans la foule des âmes simples, des esprits illettrés qui goûtent profondément la poésie, et dont le jugement est souvent plus sûr que celui de quelques critiques de métier : meute agressive presque toujours hostile aux talents nouveaux ; aristarques de vingt ans inféconds et déjà blasés, prenant leur propre impuissance et leur propre dégoût pour l’impuissance et