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grand gaillard d’élève en médecine dont la gaucherie et l’air bête contrastaient avec la grâce piquante de la jolie enfant.

— Comment diable pouvez-vous l’aimer, lui dis-je en dansant, tandis que le galant nous suivait de ses yeux farouches, comment ne m’acceptez-vous pas tout de suite pour remplaçant de ce grotesque amoureux ?

— Sans doute, vous êtes bien mieux que lui, répliqua-t-elle, en me toisant avec ses grands yeux étonnés, ce qui ne me flatta guère dans ma prétention de cavalier bien tourné, mais, ajouta-t-elle avec un ton sérieux, il a des qualités.

Je lui répondis par un de ces mots grossiers qu’on se permet avec les grisettes ; elle n’eût pas l’air de me comprendre.

— Oh ! si vous saviez, poursuivit-elle, comme il tient notre ménage ! il m’aide à faire mon lit, à balayer, à repasser mon linge et il fait à lui seul la cuisine, ajouta-t-elle d’un ton admiratif ; ce qui me permet de garder mes mains blanches, de me reposer et de dîner avec plaisir.

— Si ce n’est que cela, lui dis-je, je vous promets d’être un excellent cuisinier.

— Vous plaisantez, reprit-elle, vous êtes un dandy, un beau, un noble, qui n’avez jamais touché à une carotte ni fait un pot-au-feu.

— Non, repartis-je, mais j’excelle dans quelques plats recherchés, que j’ai vu faire dans la cuisine de mon