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— Mais dormir tranquillement, j’espère.

— Tranquillement ! vous me répondez comme une coquette, car, à votre âge on n’est plus naïve ; si vous voulez que je sois tranquille laissez-moi là encore deux ou trois heures ; qu’est-ce que cela vous fait ?

Il était si pâle et si défait que je n’eus pas le courage de le contrarier ; puis, malgré ma préoccupation secrète, j’éprouvais un grand charme dans sa compagnie.

— Si cela vous paraît bon, lui dis-je, restez encore.

Il me prit la main et la garda dans les siennes, en me disant merci !

Nous étions éclairés par une lampe aux lueurs pâles, recouverte d’un abat-jour rose ; la lune, dans son plein, était suspendue en face de ma fenêtre et projetait son éclat à travers les vitres ; aucun bruit du de hors ne montait jusqu’à nous. Un grand feu flambait dans la cheminée ; c’était un mélange de chaleur et de clarté douces, qui inspiraient comme une mollesse et une rêverie involontaires ; il tenait toujours ma main et demeurait tellement immobile que, sans ses yeux grands ouverts, j’aurais pu croire qu’il dormait. Je n’osais faire un mouvement dans la crainte d’attirer sur ses lèvres quelque parole trop vive. J’éprouvais un grand malaise du silence que nous gardions tous deux, et cependant je ne savais plus comment le rompre. Enfin, je me décidai à lui dire que j’espérais qu’il me reviendrait un soir où j’aurais Duverger, Albert de Germiny et René.

— Oui ! répondit-il, si vous me permettez de reve-