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que des riches et des oisifs, et laisse aux autres leurs coudées franches dans la tristesse et la solitude.

— Oh ! si vous étiez tout à fait libre, répétait-il, que ce serait bon ! mais bah, vous me trompez !

Je ne savais plus que lui répondre et nous nous mîmes à jouer assez gaiement sur les mots jusque chez moi. Parvenue au bas de mon escalier, je le montai précipitamment pour ordonner à ma vieille Marguerite d’aller chercher un poulet et du vin de Bordeaux. Albert et mon fils me suivaient plus lentement ; quand ils arrivèrent je m’étais déjà débarrassée de mon chapeau et de mon châle, j’avais noué un tablier blanc autour de ma taille et je me disposais à aider au dîner.

— Allez vous reposer dans mon cabinet, dis-je à Albert, feuilletez les livres et les albums, et, si vous voulez être bien aimable, faites-moi un de ces dessins à la plume que vous faites si bien, le croquis du beau lion du Sahara qui vous a tant effrayé !

— Jamais, répliqua Albert ; vous êtes comme les autres ; vous voulez que je note mes angoisses pour les constater froidement ; je reste ici avec vous et je vais vous aider à faire la cuisine.

Cette idée me fit rire.

— Oh ! vous croyez que je ne m’y entends pas ; voyons, qu’ordonnez-vous, quel mets allez-vous préparer ?

— Un plat sucré, lui dis-je, des poires meringuées,