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des fruits confits, des gâteaux et un flacon de rhum.

Mon fils s’éveilla au cliquetis du plateau qui passait devant lui et il accourut vers nous alléché et ravi par ces friandises ; je remerciai Albert de son attention et je l’engageai à goûter aux sorbets et aux fruits.

— Manger est une fatigue qui m’est souvent insupportable, me répondit-il ; quand j’ai dîné la veille, je ne suis jamais sûr de déjeuner le lendemain ; laissez-moi donc me soutenir à ma guise et sans vous inquiéter de mon régime ; en parlant ainsi il but deux petits verres de rhum. Je n’osai rien lui dire, mais je redoutai que sa tête ne s’enflammât de nouveau.

— L’air de la serre me fatigue, repris-je en me levant, regagnons l’air froid et vivifiant du jardin.

— Nous étions pourtant bien ici, répliqua Albert.

— Oh ! pour cela, oui, ajouta mon fils, et cette fois c’est maman qui a tort ; elle vous empêche de boire et moi de manger.

Je les pris tous deux par la main et les entraînant vers la porte je leur dis : vous êtes deux enfants ! Nous traversâmes rapidement le jardin, mon fils se remit à courir devant nous ; je m’appuyai à peine sur le bras d’Albert qui chancelait presque ; il ne me parlait pas et retombait dans son humeur sombre ; cependant quand nous fûmes remontés en voiture sa gaieté lui revint tout à coup ; il me proposa de traverser le pont d’Austerlitz, de faire le tour de l’Arsenal, vide aujourd’hui de ses hôtes poétiques d’autrefois, puis de rentrer chez moi par les boulevards, la rue Royale et le pont de la