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Nous passâmes dans le bâtiment circulaire où s’abritent les rennes, les antilopes, les girafes et les éléphants. Albert était tout joyeux et redevenait enfant lui-même en voyant la joie de mon fils, tandis qu’un énorme éléphant enlevait avec sa trompe les gâteaux que lui tendait sa petite main ; puis vint le tour des girafes qui abaissaient jusqu’à l’enfant leur long cou flexible et onduleux, le sollicitaient d’un regard de leurs grands yeux si doux, et lui tiraient leur langue noire pour recevoir leur part du festin. Un des gardiens plaça mon fils sur un magnifique renne, à l’allure élégante et rapide, qui s’élança aussitôt autour de l’énorme pilier servant d’appui à l’édifice. L’enfant riait aux éclats, le gardien le tenait d’un bras ferme fixé à l’animal et le suivait au pas de course. Le jeu était sans danger, je rejoignis Albert qui m’appelait pour me montrer une svelte et belle antilope dont les yeux semblaient nous regarder.

— Voyez, me dit Albert, comme elle s’occupe de nous ! ne dirait-on pas qu’elle pense et qu’elle nous parle à sa manière avec ses ondulations de tête. Que ses yeux sont vifs et pénétrants ! Je trouve, marquise, qu’ils ressemblent aux vôtres.

— Mais ils sont noirs, répliquai-je.

— Et les vôtres sont d’un bleu sombre, ce qui produit dans le regard la même expression.

Il se mit alors à caresser l’antilope, à la baiser au front et sur le cou et il lui disait, tandis que la jolie bête le considérait de ses yeux grands ouverts :

— Tu caches peut-être l’âme d’une femme ; je n’ou-