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et la brise des grands arbres agitait sur son front inspiré ses boucles blondes ; en ce moment il était encore très-beau et sa jeunesse semblait revenue.

— Je me suis souvent promené ici avec Cuvier, reprit-il, je vous montrerai bientôt son habitation. Son traité de la formation du globe m’a fait rêver d’un poëme où auraient figuré des personnages d’avant notre race. Vous sentez quelle fantaisie on pourrait répandre sur des êtres et sur un temps qui n’ont pas d’historiens !

— Oh ! je vous en supplie, écrivez ce poëme, lui dis-je, voilà si longtemps que vous n’avez rien fait.

— Écrire encore ? et à quoi bon ? dit-il avec un éclat de rire.

— Mais ce serait une noble distraction.

— Oh ! tenez, j’aime mieux l’amusement que se donne en cet instant votre fils en jetant des gâteaux aux ours.

Et, s’avançant près de l’enfant, il prit dans son chapeau un gâteau qu’il lança par morceaux aux lourdes bêtes pantelantes.

Après avoir régalé les ours, mon fils voulut faire visite aux singes ; mais il me vit une si grande répulsion pour les gambades impures et pour les grimaces humaines de ces animaux, qu’il dit tout à coup à Albert qui riait de mon malaise :

— Éloignons-nous puisque maman a peur.

Il prenait mon dégoût pour de l’effroi.

— Allons voir des bêtes plus nobles et vraiment bêtes, dis-je à Albert, malgré moi les singes me font l’effet d’une ébauche informe de l’homme