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convenez, M. de Lincel, que nous allons un peu vite sur le chemin de l’amitié.

— Oh ! j’aimerais bien mieux que ce fût sur un autre chemin, dit Albert en baisant ma main ; je me sens disposé, marquise, à devenir amoureux de vous.

— En ce cas là, je ne sors pas, répliquai-je, car vous m’effrayez.

Et je fis mine de dénouer le chapeau que je venais de mettre.

— Je le veux ! je le veux ! répétait l’enfant.

— Voyez ce beau soleil qui nous sollicite, ajouta Albert, allons, marquise, partons vite ; j’écris, vous écrivez aussi, voilà notre confraternité établie.

En disant ces mots, il ouvrit la porte et nous sortîmes ; mon fils nous précédait joyeux. Albert s’appuyait, pour descendre l’escalier, sur l’épaule robuste de l’enfant et sur sa blonde tête frisée. Je les suivais, marchant derrière Albert, et le considérant avec tristesse.

Nous montâmes en voiture, Albert s’assit à côté de moi, et l’enfant devant nous ; le soleil se répercutait en plein sur les vitres et répandait une chaleur de serre.

— Que je suis bien, me disait Albert, il y a longtemps que je n’avais éprouvé un tel apaisement de toute douleur. On m’a calomnié, marquise, en me prêtant des passions sans frein ; je vous assure qu’il m’en aurait fallu bien peu pour être heureux ; ainsi, en ce moment, je ne désire rien : ce jour radieux qui me réchauffe, ce bel enfant qui me regarde, et vous si char-