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lume de Condorcet, que ces auteurs avaient donnés à mon grand-père. En voyant leur signature, il me dit :

— Savez-vous, marquise, que nous sommes un peu du même monde ; mon père aussi a été lié avec ces hommes célèbres que Bonaparte appelait des idéologues ; bien souvent mon père m’a parlé de ses amis les grands philosophes, comme il disait, et à sa mort j’ai retrouvé de leurs lettres dans ses papiers.

Tandis que nous causions ainsi, sa voix était si altérée et son oppression si forte, que je lui dis tout à coup :

— En vérité, je suis bien peu hospitalière de ne pas vous avoir offert un verre d’eau sucrée après votre ascension de mes quatre étages.

Et prenant un verre à semis d’étoiles d’or, dont je me servais habituellement, je le lui tendis plein d’eau et de sucre.

Il se mit à rire comme un enfant.

— Eh ! quoi ! marquise, pensez-vous me rendre des forces avec ce fade breuvage ?

— Voulez-vous, lui dis-je, y mettre un peu de fleurs d’oranger ?

— De mieux en mieux, dit-il en riant plus fort.

— Oh ! j’y pense, repris-je, j’ai d’excellent chocolat d’Espagne, il sera bientôt fait ; permettez-moi de vous en offrir. Je n’ose vous proposer du thé ou du café, c’est trop irritant.

— Ne cherchez pas tant, marquise, et faites-moi apporter simplement un verre de vin généreux.

Née et élevée dans le Midi, je n’avais jamais, comme