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resté pur, harmonieux et sans rides ; sa chevelure jeune et frisée l’ombrageait mollement. René l’avait averti la veille au soir de notre visite. Il s’était vêtu avec ce soin extrême qui était dans ses habitudes : une redingote noire d’un drap très-fin serrait sa taille cambrée.

Tandis que je l’examinais avec émotion, René lui expliquait ce que je désirais de lui.

— Oh ! de tout mon cœur, dit-il, j’écrirai ce soir même à Frémont de passer chez moi.

Je le remerciai en ajoutant qu’il était bien indiscret à une inconnue de venir l’importuner.

— Oh ! me dit-il, vous n’étiez pas une inconnue pour moi ; je vous connaissais beaucoup par mon ami René et je suis fort heureux de vous connaître tout à fait, car vous êtes très-bonne à voir ; et il arrêta longtemps sur moi ses grands yeux profonds.

— Et cependant, lui dis-je tout en baissant mes regards sous la fixité des siens, vous ne m’avez pas reconnue ?

— Reconnue ? répéta-t-il d’un ton interrogatif.

— Mais oui, nous nous sommes déjà vus un dimanche soir, à l’Arsenal, il y a de cela bien des années, et vous me prîtes ce soir-là pour une quakeresse !

— Quoi ! c’était vous ! oh ! oui, c’était vous avec de longues boucles flottantes sur un corsage de velours noir ! Vous voyez bien que je n’ai rien oublié, vous refusâtes de valser avec moi et vous eûtes tort, marquise, car, vrai, nous aurions pu nous aimer !

— Comme vous y allez, dit René ! Vous serez donc