Page:Colet - Lui, 1880.djvu/429

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 408 —

sins et, frissonnante, je me réchauffais au brûlant soleil d’août.

Il n’y avait que trois mois qu’Albert était mort ; encore quelques mois, pensais-je, et je le rejoindrai. Quant à l’autre, je n’y voulais point penser. Mais toujours cet amour en ruine pesait sur mon âme et l’étouffait, pour ainsi dire, sous ses débris ; j’avais été broyée par un bras de pierre inerte, brutal et insoucieux de mon agonie. Les lourds colosses égyptiens que le temps finit par déraciner dans les ruines de Thèbes n’ont pas conscience en s’affaissant du Nubien qui s’était assis à leur ombre.

Mon fils arriva vers midi ; j’avais mis pour lui sur une table, placée près de moi, une jolie montre et un album, où j’avais fait dessiner le portrait d’Albert et écrire les fragments les plus beaux et les plus purs de ses œuvres. L’enfant courut vers moi, tenant dans ses bras les couronnes et les livres qu’il avait reçus en prix. Je l’attirai sur mes genoux et l’embrassai longtemps sans parler ; je ne pouvais retenir mes larmes. Pour qu’il ne les vît pas, je posai sur sa tête les couronnes, et je les enfonçai en souriant, jusqu’à ses yeux. Puis lui donnant la montre et l’album, je lui dis :

— Regarde donc si cela te plaît ?

Il rejeta avec impatience ses couronnes et mes présents, et se suspendant à mon cou, il me dit avec une explosion de douleur :

— Ce n’est pas tout cela que je veux.

— Et que veux-tu donc, cher enfant ?