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leurs émotions diverses ; car de même que le souvenir d’une trahison ou d’un chagrin remplit les yeux de larmes, que celui d’une joie épanouit le sourire, et que celui d’une noble action fait rayonner le front ; de même l’image, soudain rappelée d’une chute périlleuse ou des angoisses de l’enfantement, attriste et terrifie l’esprit ; tandis que l’image riante d’une caresse délectable ou du tressaillement de la volupté le ranime et l’égaye, et lui communique pour ainsi dire le contrecoup enivrant de ce que le corps seul semblait avoir ressenti !

Ne séparons donc pas ce que la nature et Dieu ont si étroitement confondu. Les casuistes qui ont fait de la chasteté absolue une vertu, ne sont arrivés qu’à produire des apparences menteuses dans une société hypocrite. Il serait temps d’oser glorifier l’harmonie sacrée de l’indivisible lien des émotions de l’âme et du corps !

J’avais compris tout cela d’instinct avant de m’en convaincre par la réflexion. Un amour sincère et complet en apprend plus sur ce sujet que tous les raisonnements philosophiques.

Rien qu’à la pensée de revoir Léonce, je sentis le réveil de tout ce que je lui avais dû de félicité ; c’était une évocation involontaire ; une influence, pour ainsi dire, magnétique ; son approche me dominait ; il était loin encore et déjà son souffle m’entourait et courait autour de moi.

Cependant je ne lui avais point écrit le ravissement que j’éprouvais de ce projet de voyage ; je ne savais