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quelques jours de voyage et de liberté insoucieuse avaient pour moi le même attrait qu’un premier bal pour une jeune fille ; goûter cette halte dans ma vie de labeur avec celui que j’avais tant aimé, que j’aimais encore et qui m’aimait enfin, puisqu’il avait conçu ce doux projet ; oh ! c’était une fête de l’âme bien difficile à refuser ! Je n’éprouvais pas avec Léonce la même hésitation qu’avec Albert. J’avais appartenu à Léonce, je lui appartenais encore, et malgré quelques doutes et quelques déchirements, mon amour n’était point brisé. Il suffisait d’une espérance, d’une illusion pour le réédifier dans mon cœur.

À mesure que l’heure qui devait me réunir à Léonce approchait, quelque chose d’enflammé et de vertigineux s’emparait de tout mon être.

Les libertins prétendent que la possession détache ; mais pour ceux qui se sont aimés par l’âme, le contraire se produit ; l’union des sens qui n’a été que la confirmation de l’union morale, semble les lier éternellement. C’est ce qui fait la pureté et la beauté du mariage, lorsqu’il consacre l’amour vrai.

Comment oublier les délices, et j’oserai même dire les familiarités intimes ? Est-ce que l’enfant est impudique, parce qu’il se souvient avec bonheur de s’être endormi sur le sein de sa nourrice ?

À quoi sert-il qu’une morale artificielle essaye, comme la fausse mère de Salomon, de partager en deux l’être humain ? l’âme et le corps se complètent l’un l’autre, et il est certain qu’ils répercutent tour à tour