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ter. Je sortis seule ; le temps était froid : c’était l’automne et ses premières rigueurs.

Je sonnai sans hésitation à la porte d’Albert, sachant qu’il était absent et que je n’éprouverais pas le trouble de le voir.

Je dis à son domestique que je désirais lui écrire ; il me fit entrer.

— Monsieur part à l’instant et tout est encore en désordre ici, ajouta-t-il.

En effet, je vis les habits qu’Albert venait de quitter, épars sur une causeuse, près du feu, dans le petit salon. La flamme du foyer pétillait ; une lampe éclairait la glace de la cheminée, et une autre, avec un abat-jour, projetait une lueur voilée sur le bureau. Des pages écrites par Albert, des lettres ouvertes et quelques feuilles de papier blanc étaient là pêle-mêle. La plume dont il s’était servi plongeait encore dans l’écritoire ; je m’en saisis, et j’aurais voulu la voler cette plume qui avait écrit des choses si grandes et si rares ! Peut-être me communiquerait-elle quelque étincelle de son génie ? pensais-je en la tournant au bout de mes doigts ; et, m’asseyant sur son fauteuil, je me mis à rêver.

Je pris d’abord une enveloppe blanche dans laquelle j’enfermai le sonnet que j’avais fait la veille ; puis, comme si la demeure du poëte eût gardé son souffle créateur, je sentis les vers suivants monter de mon cœur à mon cerveau, et je les écrivis rapidement :