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laient et, par un étrange effet de lumière, les gouttes d’eau me semblèrent avoir une teinte sanguinolente ; plus je les regardais et plus elles s’empourpraient. Je fus distrait de cette chose inouïe par une voix lointaine que moi seul entendais, mais qui arrivait distincte à mon oreille :

— Je veux un tombeau ! répétait la voix, je veux un tombeau ! j’ai été touchée et souillée par assez de chair et d’ossements durant ma vie, je veux être seule sous la terre ! je veux un tombeau ! te dis-je, je veux un tombeau !

La voix qui me parlait ainsi venait d’une femme qui ressemblait à la princesse russe ; mais, au lieu d’être en toilette de grande dame, elle s’approchait de moi et se suspendait à mon bras couverte d’un mantelet noir fané et d’un chapeau rose à fleurs de forme évaporée ; je reconnaissais la prostituée des rues et j’en avais honte dans cette fête. Mais elle s’acharnait à moi et me répétait sans trêve :

— Je veux un tombeau ! je veux un tombeau !

Obsédé de cette vision persistante, je quittai le bal et je rentrai chez moi ; la voix ne se lassa pas ; dans la voiture qui me ramenait, dans mon lit, dans mes songes, elle répéta toute la nuit : Je veux un tombeau ! je veux un tombeau !

Je me levai au jour, brisé et ayant sur le visage un masque d’épouvante comme si j’avais dormi dans un cimetière ; je sortis, espérant échapper à ma vision et me raffermir dans la vie et le mouvement du dehors.