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ma chambre et je me jetai à genoux devant le petit lit de mon fils ; je demandai pardon à Dieu d’avoir oublié un instant ce cher et unique trésor, et je jurai qu’il serait désormais l’influence qui dominerait ma vie.

Je le contemplai avec un amour profond : sa tête expressive était renversée dans les flots de ses cheveux bouclés ; il dormait si bien, que je craignis de le réveiller en l’embrassant, mais mes regards étaient autant de caresses passionnées. Je restai là, absorbée et pleurant, à l’idée que j’aurais pu ne pas le revoir ; enfin, je me levai après avoir posé mes lèvres sur le bout de ses deux petits pieds nus qui se jouaient entre son drap et sa couverture.

J’allais me mettre au lit lorsque j’entendis la voix d’Albert qui insistait pour me parler ; mais tout à coup il parut céder à Marguerite et je n’entendis plus que ses pas qui s’éloignaient.

Marguerite me dit le lendemain qu’il lui avait fait pitié ; il était pâle comme un trépassé, il pleurait et avait voulu lui donner tout l’argent qu’il avait sur lui pour obtenir de me voir.

N’ayant pu m’endormir, j’écrivis à Léonce pendant la nuit ; je ne lui cachai rien de cette effrayante aventure, rassurant, ce qui était vrai en ce moment, que son amour calme et doux me paraissait le bonheur devant un tel excès de passion délirante.

J’attendis sa réponse avec impatience, ou plutôt je l’attendais lui-même, il n’arriva pas ; mais dans la lettre que je reçus de lui ses transes de me perdre se trahis-